26

 

Gideon était en train de devenir fou. Il avait perdu la notion du temps et n’aurait pas su dire depuis quand il était coincé dans cette boîte noire. Un jour ? Deux jours ? Un an ? Il n’y avait pas un rai de lumière auquel se raccrocher, rien pour lui rappeler qu’il existait au-dehors un autre monde – un monde qu’il aspirait à retrouver, pour le meilleur ou pour le pire.

Son démon, qu’il percevait généralement comme une discrète présence, avait hurlé pendant un long moment qu’il voulait rester là, dans le noir – ce qui signifiait bien entendu qu’il voulait sortir et réclamait de la lumière –, puis il s’était arrêté. Tromperie se croyait probablement enfermé dans la boîte de Pandore, oublié de tous, abandonné dans un gouffre de ténèbres.

Ses compagnons n’étaient pas mieux lotis.

Lucien poussait de temps en temps des gémissements déchirants et Anya tentait de le réconforter. Reyes murmurait le nom de Danika comme une litanie, puis il se taisait pendant des heures. Amun grondait tout bas, comme s’il combattait une horde de démons intérieurs.

Strider était le plus atteint. Il ne supportait pas l’idée de ne pas avoir anticipé le piège et se cognait la tête contre un mur. Son démon le punissait de son imprévoyance en lui faisant souffrir le martyre.

« Concentre-toi, idiot. »

Ils avaient tenté à plusieurs reprises de faire levier sur les volets des fenêtres ou de creuser une brèche dans les murs en tapant à coups de poing et de pied. Anya, la seule qui conservait une partie de ses pouvoirs, avait réussi à se transformer en tornade pour tenter d’ébranler le bâtiment, mais en vain.

— Je vais encore essayer de trouver un moyen de sortir, annonça-t-elle brusquement.

Elle était la plus calme d’entre eux, pour une fois. Gideon entendit le froissement de ses vêtements. Lucien poussa un gémissement et elle le rassura, puis ses pas s’éloignèrent.

Gideon n’avait jamais cherché à s’impliquer dans une relation avec une femelle. Il préférait la variété. Mais en ce moment, il le regrettait presque. Il n’avait personne à qui rêver, personne pour l’aider à lutter contre son démon, comme Reyes, personne pour le réconforter, comme Lucien.

« Mais quelle femelle voudrait de toi pour toujours ? »

Voilà qu’il se mettait à douter… Pourtant, Crainte n’était pas dans les parages.

Il y eut un bruit de corps qu’on heurte.

— Désolé pour celui que j’ai bousculé, dit Anya.

— À l’aide…, murmura Strider.

Il respirait avec difficulté, en émettant un sifflement rauque.

— À l’aide, répéta-t-il. Je vous en supplie…

— Je vais m’occuper de toi dès que possible, promit Anya.

Elle prit quelques minutes pour le cajoler ; on entendit de nouveau ses pas s’éloigner, puis un tintamarre.

— Eh bien… Il y en a du monde dans ma jolie boîte noire !

La voix sortait d’un haut-parleur et Gideon ne la reconnut pas.

— Ce n’est pourtant pas mon anniversaire aujourd’hui…

Le silence se fit, rompu par Anya qui revenait à la hâte vers Lucien en faisant claquer ses talons.

Une vive lumière éclaira la pièce et Gideon se sentit brusquement inondé de paix. Il battit des paupières pour chasser les étoiles qui gênaient sa vision. Enfin, il distinguait ses compagnons. Lucien était allongé au sol, sa tête reposait sur les genoux d’Anya qui le serrait contre lui. Reyes était effondré contre le mur, un étrange sourire aux lèvres, près de Strider qui se tenait le ventre, recroquevillé comme un bébé. Amun lui caressait le front pour le réconforter, mais on devinait à sa mine qu’il était lui-même au bord du malaise.

— Je me demandais qui avait déclenché l’alarme de ce bâtiment, mais je n’ai pas pu venir tout de suite, parce que j’étais en train de régler leur compte à vos petits camarades.

La voix s’interrompit et fit place à un rire mauvais.

— Je me doutais bien que vous viendriez ici, après la parution de cet article idiot. Notre démenti visait à attirer votre attention. Je vois que le piège a fonctionné.

Maintenant que le silence s’était fait dans son esprit, Gideon reconnaissait la voix de Dean Stefano, chef des chasseurs et bras droit de Galen. Stefano vouait une haine farouche à Sabin qui avait séduit sa femme, Darla. Il prétendait que Darla serait toujours en vie si les Seigneurs de l’Ombre et leurs démons avaient pourri en enfer, là où était leur place.

La cruauté de Stefano n’avait pas de limites. Il avait autrefois envoyé l’innocente Danika au château, avec pour mission de le faire entrer dans la place. Mais Danika était tombée amoureuse de Reyes et l’affaire n’avait pas tourné comme Stefano l’avait prévu. Il avait donc attaqué le château.

En reconnaissant la voix de cette ordure, Gideon eut une bouffée d’angoisse. « J’étais en train de régler leur compte à vos petits camarades…» Les chasseurs étaient donc allés à Budapest. Ils avaient combattu leurs compagnons et ils avaient gagné, sinon Stefano ne serait pas là en ce moment. Sabin ne l’aurait pas laissé s’échapper une deuxième fois.

Où étaient donc Sabin et les autres ? Les avait-on emprisonnés ? Torturés ? Gideon eut du mal à se redresser, mais il y parvint tout de même, en titubant. Les autres s’étaient relevés aussi, sauf Strider, et avaient sorti leurs armes.

— Viens ici, dit Reyes en lui faisant signe d’approcher. Viens si tu l’oses.

Stefano éclata d’un rire amusé.

— Et pourquoi prendrais-je un tel risque ? Je peux vous abandonner ici et vous affamer. Je peux empoisonner l’air que vous respirez et vous regarder souffrir.

Sa voix se durcit.

— Tout ça sans avoir à approcher les êtres malfaisants que vous êtes.

— Laisse partir la femme qui est avec nous, supplia Lucien. Elle ne t’a rien fait.

— Certainement pas, protesta Anya en secouant la tête. Je reste.

— Comme c’est touchant, ironisa Stefano. Elle ne veut pas quitter son démon chéri ! Mais je vais la faire sortir, la Mort, puisque tu me le demandes. Seulement, le sort que je lui réserve ne sera pas de ton goût, je le crains.

Lucien s’accroupit, le semi-automatique au poing, en grognant comme une bête sauvage.

— Essaye donc, dit-il.

Comme pour répondre à son défi, un enfant, un jeune garçon qui ne devait pas avoir plus de onze ans, entra dans le gymnase en traversant un mur, aussi aisément que s’il avait été un fantôme. Gideon le contempla avec des yeux écarquillés. Il aurait bien voulu en faire autant. Mais pour sortir.

— Suis-moi, dit simplement le garçon à Anya. S’il te plaît.

— C’est du propre, rétorqua Anya se tournant lentement sur elle-même. Tu envoies un enfant dans la cage aux lions ! Pas très courageux, non ? Et tu crois vraiment que ton toutou va m’obliger à quitter cette pièce avec lui ?

— Je peux t’y obliger, répondit posément l’enfant. Mais je préférerais que tu me suives de ton plein gré.

Lucien poussa Anya derrière lui. Ses yeux rougeoyèrent et il montra les dents. Le spectacle de ce guerrier si posé et maître de lui-même perdant son sang-froid avait quelque chose de pitoyable. Il aimait Anya plus que tout, et il était prêt à mourir pour elle.

Gideon vint discrètement se placer à son côté en arborant un air farouche. Mais il était atterré. Comment réagir face à un enfant ? Ce salaud de Stefano prétendait qu’ils étaient le mal incarné, mais il n’hésitait pas à se servir d’un gamin de onze ans.

Reyes, Strider et Amun entourèrent Gideon. Ils formaient à présent un mur protecteur autour d’Anya.

— Viens, reprit l’enfant en fronçant cette fois les sourcils. Je t’en prie. Je ne veux pas te faire de mal.

— N’est-il pas merveilleux ? demanda Stefano en riant. J’espère que vous appréciez ma nouvelle arme. Je n’avais pas l’intention de l’utiliser tout de suite, mais il a fallu que vous alliez en Égypte et que vous voliez mes incubatrices. N’ayez crainte, je les retrouverai et elles continueront à produire de jolis petits demi-mortels. J’attends beaucoup de leur collaboration. Notamment de celle que votre ami Sabin semble tant apprécier.

— Je suis content de te retrouver, Stefano, intervint Gideon. Je ne te connais pas bien, mais sache que ta droiture me touche et me surprend.

Il y eut un temps de pause, comme si Stefano prenait son temps pour traduire.

— Mon cher Tromperie…, dit-il enfin. Tu es impayable, comme d’habitude. Mais dis-moi, tu ne te sens pas un peu ridicule, parfois, avec ce démon qui t’oblige à dire le contraire de ce que tu penses ? Enfin… J’ai une bonne nouvelle pour toi. Nous avons trouvé le moyen de vous débarrasser de vos hôtes et de les transférer dans un autre corps. Nous choisirons des faibles, des peureux, des gens qui accepteront d’être enfermés pour le bien de l’humanité. Sabin y a déjà eu droit. Il s’est battu comme un lion, votre ami Sabin, mais il a fini par s’avouer vaincu. Et bientôt ce sera votre tour.

Non… C’était faux. Stefano mentait. Sabin n’était pas mort. Il était trop bien entraîné, trop déterminé. De plus, personne ne possédait le pouvoir d’attirer leurs démons hors d’eux pour les loger dans un autre corps.

— Tu ne me crois pas, hein ? ricana Stefano. Ce n’est pas grave. Tu me croiras quand ça t’arrivera. Mais tu pourrais au moins te demander pourquoi ton ami Sabin n’est pas venu à votre secours.

Justement, Gideon se l’était déjà demandé.

Sabin n’était pas du genre à abandonner ses compagnons en difficulté. Pas même pour une femelle… Il ne pouvait y avoir qu’une seule explication à son absence.

De rage, Gideon envoya son poing dans le mur, qui s’effrita un peu. Puis il continua, encore et encore. Des larmes lui brûlaient les yeux. Il frappa tellement que ses muscles se déchirèrent et que ses os se fendirent. Il avait vécu des milliers d’années avec Sabin. Il avait cru que leur amitié durerait toujours.

— Pauvre Tromperie, reprit Stefano d’un ton méprisant. Tu n’as plus de chef. Que vas-tu faire, à présent, sans personne pour te guider ?

— Je t’emmerde ! hurla Gideon. Je vais te tuer. Je vais t’arracher les tripes !

Cette fois, il ne mentait pas. Il disait ce qu’il avait sur le cœur.

— Je vais t’étrangler de mes propres mains, poursuivit-il.

C’en était trop pour son démon qui poussa un cri affreux, un cri de surprise et de douleur, avant de se déchaîner en attaquant son esprit, pour lui apprendre à dire n’importe quoi. Ce fut comme si des milliers de mâchoires lui mordillaient l’intérieur du crâne, puis la souffrance se répandit dans tout son corps, pénétrant et déchiquetant ses cellules, réduisant ses organes en bouillie, disloquant ses articulations, n’oubliant rien, pas même ses doigts de pied. Puis, comme si cela ne suffisait pas, le démon, fou de rage, s’en prit à son réseau veineux, n’y laissant que de l’acide.

Gideon s’effondra à genoux et bascula tête la première. Le poignard qu’il tenait à la main roula loin de lui. Chaque fois qu’il se laissait submerger par des émotions qui le poussaient à dire la vérité, il le payait très cher.

— Stefano t’a eu. Il t’a réduit à l’impuissance. S’il entre maintenant dans cette pièce, tu ne pourras rien faire contre lui. Tu es à sa merci.

— Je te hais, parvint-il à murmurer.

Au point où il en était, il pouvait continuer.

— Je te hais du plus profond de mon âme.

Mais pour la Tromperie, cette révélation supplémentaire faisait une différence, parce qu’il se mit de nouveau à hurler, et une autre vague de douleur se répandit dans le corps de Gideon.

Il ouvrit la bouche, s’apprêtant à proférer une vérité de plus. Il en avait assez de céder à son démon.

Mais Amun intervint à temps.

— Il ment, dit-il. Gideon… Ce type te ment. Sabin est vivant, je le sais.

C’était la première fois que le gardien du Secret ouvrait la bouche depuis des siècles. Il avait une voix râpeuse, grinçante, comme si on avait passé ses cordes vocales au papier-émeri, ou plutôt dans une déchiqueteuse à papier. Chaque mot le faisait atrocement souffrir.

— Qu’en sais-tu ? ricana la voix de Stefano. Toi, tu étais là, enfermé dans cette pièce. Sabin est mort, je peux vous l’assurer.

Gideon se figea. En dépit de la torture que lui infligeait son démon, il parvint à se redresser. Stefano lui avait menti et il était tombé dans le piège. Il lui avait menti, à lui, gardien de la Tromperie, qui reniflait un mensonge à des kilomètres.

Amun gémit et tomba à genoux, près de Gideon. À présent qu’il avait ouvert les vannes de son esprit, tout ce qu’il avait retenu depuis des siècles s’en échappait, mot après mot, phrase après phrase, histoire après histoire – le tout raconté par la voix de la personne concernée. Et ce fut un flot de meurtres, de viols, de jalousie, d’envie, de tromperies, d’incestes, de suicides, de dépressions.

Ces secrets n’appartenaient pas à Amun, mais aux mortels qui avaient croisé son chemin au cours des siècles. Mais c’était bien lui qu’ils torturaient.

Il ferma les yeux et se massa les tempes, en se tordant et en gémissant, tandis que le poison continuait à jaillir hors de lui.

— Il ne m’aimait plus, et pourtant je faisais tout pour lui, lança une voix de femme haut perchée.

Gideon crut entendre un cri étouffé sortir des haut-parleurs.

— Je faisais les courses, la cuisine et le ménage. Et ensuite il fallait, en plus, que je me plie à ses caprices au lit. Il ne tenait pas compte de moi. De toute façon, il n’y avait que sa précieuse guerre qui comptait. Il trouvait tout de même le temps de me tromper avec une pute ou une voisine, quand l’envie lui en prenait. Il me maltraitait !

— Comment oses-tu me faire entendre la voix de Darla ? rugit Stefano.

Amun ne répondit pas et les secrets de Darla continuèrent à se déverser. Gideon se demanda comment Amun avait pu les recueillir.

— Fais-le taire, ordonna Stefano au jeune garçon. Fais-le taire. Tout de suite !

L’enfant sursauta, puis se précipita vers Amun. Lucien et Reyes tentèrent de l’arrêter, mais leurs mains passèrent à travers lui. Ils poussèrent des hurlements de douleur qui se mêlèrent à ceux de Gideon et d’Amun. Puis ils s’effondrèrent lourdement, comme deux pierres qui tombent dans l’océan, et furent pris de convulsions. Anya alla s’accroupir près d’eux, pour les protéger et empêcher le garçon de les approcher.

« Je ne peux pas laisser ce garçon faire souffrir Amun », songea Gideon. Il se força à se mettre debout, en dépit de son état. Il titubait, il avait le vertige, il souffrait tant qu’il en avait les larmes aux yeux. Il faillit même vomir et se plia en deux, se tenant le ventre d’une main. Mais de l’autre il brandissait un poignard, tout en se demandant comment il allait s’y prendre pour arrêter un adversaire qu’il ne pouvait saisir.

Le jeune garçon venait de s’accroupir près d’Amun et tendait la main vers sa gorge. Anya allongea le bras pour l’arrêter, puis elle dut se faire la même réflexion que Gideon et suspendit son geste au dernier moment.

— Ne le touche pas ! hurla-t-elle.

De petites flammes jaillirent de ses doigts, mais fines et transparentes, vacillantes, comme si elles menaçaient de s’éteindre.

— Je possède des pouvoirs dans le monde des vivants et dans celui des morts. Si tu oses le toucher, je te brûle. Je n’hésiterai pas, tu peux me croire. J’ai fait bien pire.

Il leva vers elle des yeux de chien battu, comme s’il la suppliait de comprendre qu’il devait obéir. Pauvre gosse… Son bras tremblait et des effluves de remords se dégageaient par vagues de son aura.

— Je vois qu’il y a deux menteurs dans cette pièce, intervint Stefano. Peu importe tes pouvoirs, déesse… Ce garçon est le fils d’une nécromancienne et il peut circuler à sa guise entre le royaume des morts et celui des vivants. Et dans les deux, personne ne peut le saisir.

— Je suis la compagne de la Mort, pauvre idiot ! Mon Lucien aussi entre dans le royaume des morts. Alors si tu crois que tu m’impressionnes…

Elle redressa fièrement le menton et ses yeux bleus lancèrent des éclairs. Mais ils étaient pleins de larmes.

— Je suis la déesse de l’Anarchie et je ne connais pas la pitié. Si ton toutou approche encore, tu verras de quoi je suis capable.

Gideon la connaissait bien et il savait qu’elle bluffait. Jamais Anya n’aurait pu s’en prendre à un enfant. Au château, elle ne cessait de caresser le ventre d’Ashlyn et de bêtifier en débitant des fadaises. Du genre : « Tante Anya va t’apprendre à voler tout ce qui te fera envie. »

Il tendit le bras et referma ses doigts sur la main de la déesse.

— Je n’ai pas du tout envie de m’occuper de ce problème, parvint-il à articuler.

— Je… Oui…

Anya acquiesça d’un air soulagé, tandis que les flammes au bout de ses doigts mouraient lentement. Elle se pencha vers Lucien et le prit par les épaules pour le tirer à l’écart de l’enfant. Amun continuait à déverser les secrets de Darla, et Stefano ordonnait toujours au garçon de le museler par tous les moyens.

Tandis qu’il se relevait, Gideon rencontra le regard triste et déterminé du jeune garçon.

— Je ne veux pas me charger de faire taire mon compagnon, dit-il.

Il disait l’inverse de ce qu’il pensait, comme toujours, mais le garçon parut comprendre tout de même et acquiesça. Luttant contre la faiblesse et la douleur, Gideon se pencha pour coller ses lèvres à l’oreille d’Amun. Il n’eut pas de mal à trouver les mots pour le réconforter : il suffisait de mentir.

— Tout va bien se passer, Amun. Nous en sortirons vivants, ne t’en fais pas. Chhhh… Tout ira bien.

La voix qui sortait d’Amun se calma peu à peu, jusqu’à devenir un faible murmure. Il se tenait toujours la tête, les yeux fermés, le corps en position fœtale, et se balançait d’avant en arrière.

Gideon sentit l’odeur de fraise d’Anya. Elle passa un bras autour de sa taille et l’aida à se relever.

— J’ai réfléchi, dit-elle tout bas, sans doute pour que Lucien n’entende pas. Je crois que je suis d’accord pour suivre le môme.

— Entendu, répondit Gideon tout en faisant non de la tête.

Il eut de nouveau une crampe d’estomac et des points dansèrent devant ses yeux.

Anya prit son visage dans ses mains et l’attira à elle comme si elle voulait l’embrasser. Bon sang, elle l’embrassait. Puis ses lèvres glissèrent jusqu’à son oreille.

— Hors de cette pièce, je retrouverai peut-être mon pouvoir et j’aurai une chance de neutraliser Stefano.

Si Lucien ne trouvait pas Anya en se réveillant, il serait dévasté. Et cela, Gideon ne le voulait pas.

Quand les dieux les avaient bannis de l’Olympe, Lucien s’était comporté comme un frère pour lui. Il l’avait pris sous son aile, il l’avait aidé à supporter Tromperie. Et pourtant, quand il avait fallu choisir entre Sabin et Lucien, Gideon avait choisi Sabin, parce qu’il avait cru, sincèrement, que les chasseurs méritaient la mort pour ce qu’ils avaient fait à Baden, gardien de Méfiance. Gideon ne regrettait pas son choix, mais il regrettait ne pas avoir manifesté un peu plus de reconnaissance envers Lucien. Il se sentait une dette envers lui.

— Le temps est venu de quitter ton homme, annonça Stefano en s’adressant à Anya. Ne t’inquiète pas, tu le retrouveras. Quand je me serai occupé de toi, tu pourras venir le retrouver et tout lui raconter par le menu.

— Viens, dit le garçon.

Il fit signe à Anya de le suivre.

— Si tu ne me suis pas librement, j’userai de la contrainte, ajouta-t-il.

Gideon devait à tout prix empêcher Anya de sortir de cette pièce. Mais comment ? Il se vidait de ses forces et souffrait de plus en plus.

Les autres n’étaient pas non plus en état d’intervenir pour protéger la déesse. Gideon se demanda si Stefano leur enverrait ses hommes pour les embarquer de force et les séparer, ou s’il les laisserait ici, privés de leurs pouvoirs. Il fallait gagner du temps, trouver un moyen de s’enfuir.

— Je ne veux pas te suivre à la place d’Anya et je ne veux pas être interrogé, dit-il. Stefano, prenez Anya et laissez-moi.

Il y eut un temps de silence. Stefano traduisait.

— Non, protesta Anya.

Puis, comme si elle craignait qu’un refus ne suffise pas, elle poussa Gideon pour l’envoyer à terre et lui balança un coup de pied dans le ventre. Il se mit à vomir tripes et boyaux.

— Vous voyez bien qu’il n’est pas en état de vous suivre, commenta-t-elle d’un ton triomphant. Prenez-moi, les autres sont des loques.

— Tu m’apportes les deux, dit Stefano du ton de quelqu’un qui se réjouit d’une bonne idée.

Le garçon marqua un bref temps d’hésitation, puis il fit un pas vers Anya et disparut. Comme s’il avait pénétré son corps. C’était sans doute le cas, car elle sortit avec la démarche saccadée d’une poupée.

Quand il revint quelques secondes plus tard et marcha droit sur Gideon, celui-ci l’arrêta d’un geste.

— Je ne te suivrai pas de mon plein gré, dit-il.

Le garçon acquiesça d’un air soulagé.

Gideon se leva en titubant, puis, jetant un dernier regard à ses compagnons, il quitta la salle.

Le piège des ténèbres
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